Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/182

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sera mademoiselle B… ; c’est tout ce théâtre contemporain, mélodrames et vaudevilles, pièces prétendues littéraires et tableaux vivants, ce pauvre théâtre qui ne compte qu’une demi-douzaine au plus d’œuvres fortes. Ce dont il veut, c’est l’étude franche du cœur humain, c’est le drame vivant qui naît des fatalités sociales, c’est la moralisation indirecte par l’exposé logique et puissant de la vérité, c’est le théâtre agrandi, le théâtre doté de mille sujets nouveaux. On feint de ne pas entendre, on s’attaque à l’auteur dramatique, on ne parle pas du novateur, de l’homme qui cherche à ouvrir une voie. Parlez de l’idée ; condamnez l’application, si elle vous semble malheureuse ; mais prononcez-vous sur la nécessité de renouveler notre théâtre, et sur l’utilité qu’il y aurait à s’adresser à la réalité humaine ; dites s’il y a une féconde source d’émotions et d’action dans l’étude des problèmes sociaux réduits en drame, étudiés dans la vie de chaque jour, dans les rapports que les hommes ont entre eux. Vous n’êtes pas si riches pour que vous fermiez les yeux et les oreilles. Il s’agit de conclure, de savoir si des tentatives d’originalité et de nouveaux sujets ne sont pas nécessaires, oui ou non ; il ne s’agit pas d’applaudir le Supplice d’une Femme, ni de siffler les Deux Sœurs. J’aurais voulu qu’un de ces hommes d’expérience traitât la question à ce point de vue. Il m’aurait peut-être converti à aller huer le drame. Mais, tant qu’on ne me prouvera pas qu’une œuvre médiocre, faite selon les règles, est préférable à une œuvre toute libre, toute imparfaite,