Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/221

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seur. Nous aurons ainsi son tempérament artistique dans son entier.

Professeur n’est pas le véritable mot, car ce professeur n’enseigne pas ; il expose, il dissèque. Tout à l’heure, je disais qu’un des caractères distinctifs de cette nature de critique était d’avoir la compréhension largement ouverte, d’admettre en principe toutes les libres manifestations du génie humain. Le médecin se plaît à toutes les maladies ; il peut avoir des préférences pour certains cas plus curieux et plus rares, mais il se sent également porté à étudier les diverses souffrances. Le critique est semblable au médecin ; il se penche sur chaque œuvre, sur chaque homme, doux ou violent, barbare ou exquis, et il note ses observations au fur et à mesure qu’il les fait, sans se soucier de conclure ni de poser des préceptes. Il n’a pour règle que l’excellence de ses yeux et la finesse de son intuition ; il n’a pour enseignement que la simple exposition de ce qui a été et de ce qui est. Il accepte les diverses écoles ; il les accepte comme des faits naturels et nécessaires, au même degré, sans louer les unes aux dépens des autres, et, dès lors, il ne peut plus qu’expliquer leur venue et leur façon d’être. En un mot, il n’a pas d’idéal, d’œuvre parfaite qui lui serve de commune mesure pour toiser toutes les autres. Il croit à la création continue du génie humain, il est persuadé que l’œuvre est le fruit d’un individu et d’une époque, qui pousse à l’aventure, selon le bon plaisir du soleil, et il se dispense ainsi de donner les recettes