Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/222

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pour obtenir des chefs-d’œuvre dans des conditions déterminées.

Il a dit cette année aux élèves de l’École des beaux-arts : « En fait de préceptes, on n’en a encore trouvé que deux ; le premier qui conseille de naître avec du génie : c’est l’affaire de vos parents, ce n’est pas la mienne ; le second qui conseille de travailler beaucoup, afin de bien posséder votre art : c’est votre affaire, ce n’est pas non plus la mienne. » Etrange professeur, qui vient, contre toutes les habitudes, déclarer à ses élèves qu’il ne leur donnera pas le moyen pratique et mis à la portée de tous de fabriquer de belles œuvres ! Et il ajoute : « Mon seul devoir est de vous exposer des faits et de vous montrer comment ces faits se sont produits. » Je ne connais pas de paroles plus hardies ni plus révolutionnaires en matière d’enseignement. Ainsi, l’élève est désormais livré à ses instincts, à sa nature ; il est seulement mis à même par la science, par l’histoire comparée du passé, de mieux lire en lui-même, de se connaître et d’obéir sciemment à ses inspirations. Je voudrais citer toute cette page où M. H. Taine parle superbement de la méthode moderne : « Ainsi comprise, la science ne proscrit ni ne pardonne ; elle constate et elle explique… Elle a des sympathies pour toutes les formes de l’art et pour toutes les écoles, même pour celles qui semblent le plus opposées ; elle les accepte comme autant de manifestations de l’esprit humain ; elle juge que plus elles sont nombreuses et contraires, plus elles montrent l’esprit humain par des faces nouvelles