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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/260

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donnez, César devient plus vrai, plus humain. Il reste ce qu’il est réellement, un homme de génie, un grand capitaine et un grand administrateur. Mais toute ma foi, toutes mes croyances se refusent à voir en lui un Messie qui devait régénérer Rome, un maître nécessaire à la liberté et à la paix du monde.

Le second livre, ai-je dit, contient l’histoire de Jules César, depuis son enfance jusqu’à sa nomination au gouvernement des Gaules. Le portrait que trace l’auteur est flatté ; la main a appuyé sur les traits remarquables et a omis soigneusement les traits disgracieux. Ce Jules César est une belle médaille, une tête fine et exquise, un profil d’une rare pureté. J’aurais préféré une figure moins finie et plus vivante. Je prétends que l’homme est aussi intéressant à connaître que le héros. D’ailleurs, il y a évidemment dans le livre parti pris d’admiration. L’histoire ainsi comprise devient une réfutation, un plaidoyer. L’historien part de ce principe que César ne pouvait avoir que des mobiles élevés et n’obéissait qu’à l’inspiration d’un vrai patriotisme. Avec de tels axiomes, toute démonstration devient possible. Si vous vous créez un héros parfait de toutes pièces, vous arriverez sans peine à expliquer favorablement chacun de ses actes. Vous grandissez cette figure, vous abaissez celles qui l’entourent. La besogne devient de plus en plus facile.

Je ne puis entrer dans le détail de ces premières années de César. On le voit inquiet et habile, le nez au vent, attendant l’heure. Sans doute, l’auteur a