Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/261

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raison, lorsqu’il défend son héros des interprétations données à sa conduite par la plupart des historiens ; je veux croire que César n’obéissait pas seulement à l’ambition, à l’amour des honneurs, à toutes sortes de motifs personnels et mesquins. Mais il doit être également faux d’expliquer tous ses actes par des pensées supérieures de devoir et de patriotisme, de les dégager de tout intérêt. Je préfère prendre la moyenne, certain de toucher ainsi la vérité de plus près.

Ainsi, lors de la conjuration de Catilina, est-ce bien le besoin unique de justice et d’humanité qui amena César à défendre les conjurés ? Non, certes. Il y a d’abord dans son discours de la prudence et beaucoup de ce sens pratique dont je parlais tout à l’heure. Il y a ensuite de la sympathie, une sorte d’intérêt caché pour ces hommes qui attaquaient un sénat qu’il devait attaquer lui-même plus tard. Je ne sais comment l’historien expliquera la conduite de César dans les Gaules ; mais l’humanité qu’il lui prête ici le gênera singulièrement alors. Ne vaudrait-il pas mieux ne tomber ni dans un excès ni dans un autre, laisser César tel qu’il est, chercher avec conscience ce que ses mobiles ont pu avoir de désintéressé et d’intéressé ? Il n’est pas très juste non plus de rabaisser ses adversaires politiques, Cicéron, Pompée, Caton, Crassus ; ces hommes-là, ce me semble, en valaient bien d’autres, et c’est un singulier procédé historique que de leur donner largement les petitesses, les calculs que vous enlevez à César. Tout ceci, qu’on ne s’y trompe pas, vient du système providentiel