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L’ŒUVRE.

ces pas qui s’en allaient, comme s’il eût renié l’amitié de toute sa jeunesse.

Cependant, une après-midi, on frappa encore, et Claude n’eut que le temps de murmurer avec désespoir :

— La clef est restée sur la porte !  

En effet, Christine avait oublié de la retirer. Elle s’effara, s’élança derrière le paravent, tomba assise au bord du lit, son mouchoir sur la bouche, pour étouffer le bruit de sa respiration.

On tapait plus fort, des rires éclataient, le peintre dut crier : — Entrez !  

Et son malaise augmenta, en apercevant Jory, qui, galamment, introduisait Irma Bécot. Depuis quinze jours, Fagerolles la lui avait cédée ; ou plutôt il s’était résigné à ce caprice, par crainte de la perdre tout à fait. Elle jetait alors sa jeunesse aux quatre coins des ateliers, dans une telle folie de son corps, que chaque semaine elle déménageait ses trois chemises, quitte à revenir pour une nuit, si le cœur lui en disait.

— C’est elle qui a voulu visiter ton atelier, et je te l’amène, expliqua le journaliste.

Mais, sans attendre, elle se promenait, elle s’exclamait, très libre.

— Oh ! que c’est drôle, ici !… Oh ! quelle drôle de peinture !… Hein ? soyez aimable, montrez-moi tout, je veux tout voir… Et où couchez-vous ?  

Claude, anxieux d’inquiétude, eut peur qu’elle n’écartât le paravent. Il s’imaginait Christine là derrière, il était désolé déjà de ce qu’elle entendait.

— Tu sais ce qu’elle vient te demander ? reprit gaiement Jory. Comment, tu ne te rappelles pas ? tu lui as promis de faire quelque chose d’après elle…