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LES ROUGON-MACQUART.

Il désignait la toile minuscule devant laquelle il s’était absorbé, une toile absolument enfantine, telle qu’un gamin de quatre ans aurait pu la peindre, une petite maison au bord d’un petit chemin, avec un petit arbre à côté, le tout de travers, cerné de traits noirs, sans oublier le tire-bouchon de fumée qui sortait du toit.

Claude avait eu un geste nerveux, tandis que Fagerolles répétait avec flegme :

— Très fin, très fin… Mais ton tableau, Gagnière, où est-il donc ?

— Mon tableau ? il est là. 

En effet, la toile envoyée par lui se trouvait justement près du petit chef-d’œuvre. C’était un paysage d’un gris perlé, un bord de Seine, soigneusement peint, joli de ton quoiqu’un peu lourd, et d’un parfait équilibre, sans aucune brutalité révolutionnaire.

— Sont-ils assez bêtes d’avoir refusé ça ! dit Claude, qui s’était approché avec intérêt. Mais pourquoi, pourquoi, je vous le demande ?  

En effet, aucune raison n’expliquait le refus du jury.

— Parce que c’est réaliste, dit Fagerolles, d’une voix si tranchante, qu’on ne pouvait savoir s’il blaguait le jury ou le tableau.

Cependant, Irma, dont personne ne s’occupait, regardait fixement Claude, avec le sourire inconscient que la sauvagerie godiche de ce grand garçon lui mettait aux lèvres. Dire qu’il n’avait même pas eu l’idée de la revoir ! Elle le trouvait si différent, si drôle, pas en beauté ce jour-là, hérissé, le teint brouillé comme après une grosse fièvre ! Et, peinée de son peu d’attention, elle lui toucha le bras, d’un geste familier.