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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/176

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LES ROUGON-MACQUART.

L’autre mâchonna dans sa barbe des paroles sourdes ; et il partit, après avoir distribué des poignées de main.

— Tu sais qu’il va encore se payer ta sage-femme, dit Jory à Mahoudeau. Oui, l’herboriste, la femme aux herbes qui puent… Ma parole ! j’ai vu ses yeux flamber tout d’un coup ; ça le prend comme une rage de dents, ce garçon ; et regarde-le courir, là-bas. 

Le sculpteur haussa les épaules, au milieu des rires.

Mais Claude n’entendait point. Maintenant, il entreprenait Dubuche sur l’architecture. Sans doute, ce n’était pas mal, cette salle de Musée, qu’il exposait ; seulement, ça n’apportait rien, on y retrouvait une patiente marqueterie des formules de l’École. Est-ce que tous les arts ne marchaient pas de front ? est-ce que l’évolution qui transformait la littérature, la peinture, la musique même, n’allait pas renouveler l’architecture. Si jamais l’architecture d’un siècle devait avoir un style à elle, c’était assurément celle du siècle où l’on entrerait bientôt, un siècle neuf, un terrain balayé, prêt à la reconstruction de tout, un champ fraîchement ensemencé, dans lequel pousserait un nouveau peuple. Par terre, les temples grecs qui n’avaient plus leurs raisons d’être sous notre ciel, au milieu de notre société ! par terre, les cathédrales gothiques, puisque la foi aux légendes était morte ! par terre, les colonnades fines, les dentelles ouvragées de la Renaissance, ce renouveau antique greffé sur le moyen-âge, des bijoux d’art où notre démocratie ne pouvait se loger ! Et il voulait, il réclamait avec des gestes violents la formule architecturale de cette démocratie, l’œuvre de pierre qui l’exprimerait, l’édifice où elle serait chez elle, quel-