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LES ROUGON-MACQUART.

dehors de l’usage ? Puis, ce qui surtout la décidait, c’était de lui donner un soutien, ce parrain qu’elle sentait si pondéré, si raisonnable, dans les éclats de sa force. Claude s’étonna, consentit avec un haussement d’épaules. Et le baptême eut lieu, on trouva une marraine, la fille d’une voisine. Ce fut une fête, on mangea un homard, apporté de Paris.

Justement, ce jour-là, comme on se séparait, Christine prit Sandoz à part, et lui dit, d’une voix suppliante :

— Revenez bientôt, n’est-ce pas ? Il s’ennuie. 

Claude, en effet, tombait dans des tristesses noires. Il abandonnait ses études, sortait seul, rôdait malgré lui devant l’auberge des Faucheur, à l’endroit où le bac abordait, comme s’il eût toujours compté voir Paris débarquer. Paris le hantait, il y allait chaque mois, en revenait désolé, incapable de travail. L’automne arriva, puis l’hiver, un hiver humide, trempé de boue ; et il le passa dans un engourdissement maussade, amer pour Sandoz lui-même, qui, marié d’octobre, ne pouvait plus faire si souvent le voyage de Bennecourt. Il ne semblait s’éveiller qu’à chacune de ces visites, il en gardait une excitation pendant une semaine, ne tarissait pas en paroles fiévreuses, sur les nouvelles de là-bas. Lui, qui, auparavant, cachait son regret de Paris, étourdissait maintenant Christine, l’entretenait du matin au soir, à propos d’affaires qu’elle ignorait et de gens qu’elle n’avait jamais vus. C’était, au coin du feu, lorsque Jacques dormait, des commentaires sans fin. Il se passionnait, et il fallait encore qu’elle donnât son opinion, qu’elle se prononçât dans les histoires.

Est-ce que Gagnière n’était pas idiot, à s’abrutir