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LES ROUGON-MACQUART.

premiers soirs de pluie, Claude s’emporta, parce que le dîner n’était pas prêt. Il flanqua cette oie de Mélie à la porte, il gifla Jacques, qui se roulait dans ses jambes. Alors, Christine, pleurante, l’embrassa, en disant :

— Allons-nous-en, oh ! retournons à Paris !  

Il se dégagea, il cria d’une voix de colère :

— Encore cette histoire !… Jamais, entends-tu !

— Fais-le pour moi, reprit-elle ardemment. C’est moi qui te le demande, c’est à moi que tu feras plaisir.

— Tu t’ennuies donc ici ?

— Oui, j’y mourrai, si nous restons… Et puis, je veux que tu travailles, je sens bien que ta place est là-bas. Ce serait un crime, de t’enterrer davantage.

— Non, laisse-moi !  

Il frémissait, Paris l’appelait à l’horizon, le Paris d’hiver qui s’allumait de nouveau. Il y entendait le grand effort des camarades, il y rentrait pour qu’on ne triomphât pas sans lui, pour redevenir le chef, puisque pas un n’avait la force ni l’orgueil de l’être. Et, dans cette hallucination, dans le besoin qu’il éprouvait de courir là-bas, il s’obstinait à refuser d’y aller, par une contradiction involontaire, qui montait du fond de ses entrailles, sans qu’il se l’expliquât lui-même. Était-ce la peur dont tremble la chair des plus braves, le débat sourd du bonheur contre la fatalité du destin ?

— Écoute, dit violemment Christine, je fais les malles et je t’emmène.

Cinq jours plus tard, ils partaient pour Paris, après avoir tout emballé et tout envoyé au chemin de fer.

Claude était déjà sur la route, avec le petit Jacques, lorsque Christine s’imagina qu’elle oubliait quelque