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LES ROUGON-MACQUART.

— Tiens ! le voilà, reprit le sculpteur. Tu vas la voir arriver derrière lui.

Chaîne, en effet, rentrait. Il sortit avec affectation un cornet de tabac, bourra sa pipe, se mit à fumer devant le poêle, dans un redoublement de silence, comme s’il n’y avait eu personne là. Et, tout de suite, Mathilde parut, en voisine qui vient dire un petit bonjour. Claude la trouva maigrie encore, la face éclaboussée de sang sous la peau, avec ses yeux de flamme, sa bouche élargie par la perte de deux autres dents. Les odeurs d’aromates qu’elle portait toujours dans ses cheveux dépeignés, semblaient rancir ; ce n’était plus la douceur des camomilles, la fraîcheur des anis ; et elle emplit la pièce de cette menthe poivrée, qui paraissait être son haleine, mais tournée, comme gâtée par la chair meurtrie qui la soufflait.

— Déjà au travail ! cria-t-elle. Bonjour, mon bibi.

Sans s’inquiéter de Claude, elle embrassa Mahoudeau. Puis, elle vint serrer la main du premier, avec cette impudeur, cette façon de jeter le ventre en avant, qui la faisait s’offrir à tous les hommes. Et elle continua :

— Vous ne savez pas, j’ai retrouvé une boîte de guimauve, et nous allons nous la payer pour déjeuner… Hein ? c’est gentil, partageons !

— Merci, dit le sculpteur, ça m’empâte, j’aime mieux fumer une pipe.

Et, voyant Claude remettre son paletot :

— Tu pars ?

— Oui, j’ai hâte de me dérouiller, de respirer un peu l’air de Paris.

Pourtant, il s’attarda quelques minutes encore à regarder Chaîne et Mathilde qui se gavaient de gui-