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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/263

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L’ŒUVRE.

Beethoven… Ah ! Beethoven, la puissance, la force dans la douleur sereine, Michel-Ange au tombeau des Médicis ! Un logicien héroïque, un pétrisseur de cervelles, car ils sont tous partis de la symphonie avec chœurs, les grands d’aujourd’hui !

Le garçon, las d’attendre, se mit à éteindre les becs de gaz, d’une main paresseuse, en traînant les pieds. Une mélancolie envahissait la salle déserte, salie de crachats et de bouts de cigare, exhalant l’odeur de ses tables poissées par les consommations ; tandis que, du boulevard assoupi, ne venaient plus que les sanglots perdus d’un ivrogne.

Gagnière, au loin, continuait à suivre la chevauchée de ses rêves.

— Weber passe dans un paysage romantique, conduisant la ballade des morts, au milieu des saules éplorés et des chênes qui tordent leurs bras… Schubert le suit, sous la lune pâle, le long des lacs d’argent… Et voilà Rossini, le don en personne, si gai, si naturel, sans souci de l’expression, se moquant du monde, qui n’est pas mon homme, ah ! non, certes ! mais si étonnant tout de même par l’abondance de son invention, par les effets énormes qu’il tire de l’accumulation des voix et de la répétition enflée du même thème… Ces trois-là, pour aboutir à Meyerbeer, un malin qui a profité de tout, mettant après Weber la symphonie dans l’opéra, donnant l’expression dramatique à la formule inconsciente de Rossini. Oh ! des souffles superbes, la pompe féodale, le mysticisme militaire, le frisson des légendes fantastiques, un cri de passion traversant l’histoire ! Et des trouvailles, la personnalité des instruments, le récitatif dramatique accompagné symphoniquement à l’orchestre, la phrase typique sur laquelle