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L’ŒUVRE.

— Oui, oui, très beau !

— Enfin, j’ai le fond, les deux trouées de la rivière avec les quais, la Cité triomphale au milieu, s’enlevant sur le ciel… Ah ! ce fond, quel prodige ! On le voit tous les jours, on passe devant sans s’arrêter ; mais il vous pénètre, l’admiration s’amasse ; et, une belle après-midi, il apparaît. Rien au monde n’est plus grand, c’est Paris lui-même, glorieux sous le soleil… Dis ? étais-je bête de n’y pas songer ! Que de fois j’ai regardé sans voir ! Il m’a fallu tomber là, après cette course le long des quais… Et, tu te rappelles, il y a un coup d’ombre de ce côté, le soleil ici tape droit, les tours sont là-bas, la flèche de la Sainte-Chapelle s’amincit, d’une légèreté d’aiguille dans le ciel… Non, elle est plus à droite, attends que je te montre… 

Il recommença, il ne se lassait point, reprenait sans cesse le dessin, se répandait en mille petites notes caractéristiques, que son œil de peintre avait retenues : à cet endroit, l’enseigne rouge d’une boutique lointaine qui vibrait ; plus près, un coin verdâtre de la Seine, où semblaient nager des plaques d’huile ; et le ton fin d’un arbre, et la gamme des gris pour les façades, et la qualité lumineuse du ciel. Elle, complaisamment, l’approuvait toujours, tâchait de s’émerveiller.

Mais Jacques, une fois encore, s’oubliait. Après être resté longtemps silencieux devant son livre, absorbé sur une image qui représentait un chat noir, il s’était mis à chantonner doucement des paroles de sa composition : « Oh ! gentil chat ! oh ! vilain chat ! oh ! gentil et vilain chat ! » et cela à l’infini, du même ton lamentable.

Claude, agacé par ce bourdonnement, n’avait pas