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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/288

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LES ROUGON-MACQUART.

compris d’abord ce qui l’énervait ainsi, pendant qu’il parlait. Puis, la phrase obsédante de l’enfant lui était nettement entrée dans les oreilles.

— As-tu fini de nous assommer avec ton chat ! cria-t-il, furieux.

— Jacques, tais-toi, quand ton père cause ! répéta Christine.

— Non, ma parole ! il devient idiot… Vois-moi sa tête, s’il n’a pas l’air d’un idiot. C’est désespérant… Réponds, qu’est-ce que tu veux dire, avec ton chat qui est gentil et qui est vilain ?  

Le petit, blême, dodelinant sa tête trop grosse, répondit d’un air de stupeur :

— Sais pas. 

Et, comme son père et sa mère se regardaient, découragés, il appuya une de ses joues dans son livre ouvert, il ne bougea plus, ne parla plus, les yeux tout grands.

La soirée s’avançait, Christine voulut le coucher ; mais Claude avait déjà repris ses explications. Maintenant, il annonçait qu’il irait, dès le lendemain, faire un croquis sur nature, simplement pour fixer ses idées. Il en vint ainsi à dire qu’il s’achèterait un petit chevalet de campagne, une emplette rêvée depuis des mois. Il insista, parla d’argent. Elle se troublait, elle finit par avouer tout, le dernier sou mangé le matin, la robe de soie engagée pour le dîner du soir. Et il eut alors un accès de remords et de tendresse, il l’embrassa en lui demandant pardon de s’être plaint, à table. Elle devait l’excuser, il aurait tué père et mère, comme il le répétait, lorsque cette sacrée peinture le tenait aux entrailles. D’ailleurs, le Mont-de-Piété le fit rire, il défiait la misère.