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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/29

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L’ŒUVRE.

— Adieu, monsieur.

— Adieu, mademoiselle.

Christine, déjà, sans lever la tête, descendait l’échelle de meunier, dont les marches craquaient ; et Claude, brutalement, rentra chez lui, referma la porte à la volée, en disant très haut :

— Ah ! ces tonnerres de Dieu de femmes !

Il était furieux, enragé contre lui, enragé contre les autres. Tout en bousculant du pied les meubles qu’il rencontrait, il continuait de se soulager, à pleine voix. Comme il avait raison de ne jamais en laisser monter une ! Ces gueuses-là n’étaient bonnes qu’à vous faire tourner en bourrique. Ainsi, qui lui assurait que celle-ci, avec son air innocent, ne s’était pas abominablement fichue de lui ? Et il avait eu la bêtise de croire des contes à dormir debout : tous ses doutes revenaient, jamais on ne lui ferait avaler la veuve du général, ni l’accident de chemin de fer, ni surtout le cocher. Est-ce que des histoires pareilles arrivaient ? D’ailleurs, elle avait une bouche qui en disait long, son air était drôle, au moment de filer. Encore, s’il eût compris pourquoi elle mentait ! mais non, des mensonges sans profit, inexplicables, l’art pour l’art ! Ah ! elle riait bien, à cette heure !

Violemment, il replia le paravent et l’envoya dans un coin. Elle avait dû lui en laisser un désordre ! Et, quand il constata que tout se trouvait rangé, très propre, la cuvette, la serviette, le savon, il s’emporta, parce qu’elle n’avait pas fait le lit. Il se mit à le faire, d’un effort exagéré, saisit à pleins bras le matelas tiède encore, tapa des deux poings l’oreiller odorant, étouffé par cette tiédeur, cette odeur pure de jeunesse qui montaient des linges. Ensuite, il se débarbouilla à grande eau, pour se rafraîchir les tempes ;