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L’ŒUVRE.

le récit, répété à vingt reprises, ne tarissait pas sur son émotion, devant cette gorge et ces hanches d’argile broyées à ses pieds.

Pourtant, au dessert, il y eut une diversion. Gagnière demanda soudain à Jory :

— À propos, toi, je t’ai vu avec Mathilde, dimanche… Oui, oui, rue Dauphine. 

Jory, devenu très rouge, tâcha de mentir ; mais son nez remuait, sa bouche se fronçait, il se mit à rire d’un air bête.

— Oh ! une rencontre… Parole d’honneur ! je ne sais pas où elle loge, je vous l’aurais dit.

— Comment ! c’est toi qui la caches ? s’écria Mahoudeau. Va, tu peux la garder, personne ne te la redemande. 

La vérité était que Jory, rompant avec toutes ses habitudes de prudence et d’avarice, cloîtrait maintenant Mathilde dans une petite chambre. Elle le tenait par son vice, il glissait au ménage avec cette goule, lui qui, pour ne pas payer, vivait autrefois des raccrocs de la rue.

— Bah ! on prend son plaisir où on le trouve, dit Sandoz, plein d’une indulgence philosophique.

— C’est bien vrai, répondit-il simplement, en allumant un cigare.

On s’attarda, la nuit tombait, quand on reconduisit Mahoudeau, qui, décidément, voulait se mettre au lit. Et, en rentrant, Claude et Christine, après avoir repris Jacques chez la concierge, trouvèrent l’atelier tout froid, noyé d’une ombre si épaisse, qu’ils tâtonnèrent longtemps, avant de pouvoir allumer la lampe. Il fallut aussi rallumer le poêle, sept heures sonnaient, lorsqu’ils respirèrent enfin à l’aise. Mais ils n’avaient pas faim, ils achevèrent un reste de