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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/363

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L’ŒUVRE.

leur charme. Et il fallait voir le peintre faire son métier de candidat, prodiguer les poignées de main, dire à l’un : « C’est si joli votre tableau de cette année, ça me plaît tant ! » s’étonner devant un autre : « Comment ! vous n’avez pas encore eu de médaille ! » répéter à tous : « Ah ! si j’en étais, ce que je les ferais marcher ! » Il renvoyait les gens ravis, il poussait la porte sur chaque visite d’un air d’amabilité extrême, où perçait le ricanement secret de l’ancien rouleur de trottoirs.

— Hein ? crois-tu ! dit-il à Claude, dans un moment où ils se retrouvèrent seuls, en ai-je, du temps à perdre avec ces crétins !  

Mais, comme il s’approchait de la baie vitrée, il en ouvrit brusquement un des panneaux, et l’on distingua, de l’autre côté de l’avenue, à un des balcons de l’hôtel d’en face, une forme blanche, une femme vêtue d’un peignoir de dentelle, qui levait son mouchoir. Lui-même agita la main, à trois fois. Puis, les deux fenêtres se refermèrent.

Claude avait reconnu Irma ; et, dans le silence qui s’était fait, Fagerolles s’expliqua tranquillement.

— Tu vois, c’est commode, on peut correspondre… Nous avons une télégraphie complète. Elle m’appelle, il faut que j’y aille… Ah ! mon vieux, en voilà une qui nous donnerait des leçons !

— Des leçons, de quoi ?

— Mais de tout ! Un vice, un art, une intelligence !… Si je te disais que c’est elle qui me fait peindre ! oui, parole d’honneur, elle a un flair du succès extraordinaire !… Et, avec ça, toujours voyou au fond, oh ! d’une drôlerie, d’une rage si amusante, quand ça la prend de vous aimer !  

Deux petites flammes rouges lui étaient montées