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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/364

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LES ROUGON-MACQUART.

aux joues, tandis qu’une sorte de vase remuée troublait un instant ses yeux. Ils s’étaient remis ensemble, depuis qu’ils habitaient l’avenue ; on disait même que lui, si adroit, rompu à toutes les farces du pavé parisien, se laissait manger par elle, saigné à chaque instant de quelque somme ronde, qu’elle envoyait sa femme de chambre demander, pour un fournisseur, pour un caprice, pour rien souvent, pour l’unique plaisir de lui vider les poches ; et cela expliquait en partie la gêne où il était, sa dette grandissante, malgré le mouvement continu qui enflait la cote de ses toiles. D’ailleurs, il n’ignorait pas qu’il était chez elle le luxe inutile, une distraction de femme aimant la peinture, prise derrière le dos des messieurs sérieux, payant en maris. Elle en plaisantait, il y avait entre eux comme le cadavre de leur perversité, un ragoût de bassesse, qui le faisait rire et s’exciter lui-même de ce rôle d’amant de cœur, oublieux de tout l’argent qu’il donnait.

Claude avait remis son chapeau. Fagerolles piétinait, jetant des regards d’inquiétude vers l’hôtel d’en face.

— Je ne te renvoie pas, mais tu vois, elle m’attend… Eh bien ! c’est convenu, ton affaire est faite, à moins qu’on ne me nomme pas… Viens donc au Palais-de-l’Industrie, le soir du dépouillement. Oh ! une bousculade, un vacarme ! et, du reste, tu saurais tout de suite si tu dois compter sur moi. 

D’abord, Claude jura qu’il ne se dérangerait point. Cette protection de Fagerolles lui était lourde ; et il n’avait pourtant qu’une peur, au fond, celle que le terrible gaillard ne tînt pas sa promesse, par lâcheté devant l’insuccès. Puis, le jour du vote, il ne put demeurer en place, il s’en alla rôder aux Champs-