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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/398

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LES ROUGON-MACQUART.

de tortures, une vie usée au dur labeur de l’enfantement, et ça, et ça, mon Dieu !

Sandoz, près de lui, reconnut Claude. Une maternelle émotion fit trembler sa voix.

— Comment ! tu es venu ?… Pourquoi as-tu refusé de passer me prendre ?

Le peintre ne s’excusa même pas. Il semblait très fatigué, sans révolte, frappé d’une stupeur douce et sommeillante.

— Allons, ne reste pas là. Il est midi sonné, tu vas déjeuner avec moi… Des gens m’attendaient chez Ledoyen. Mais je les lâche, descendons au buffet, cela nous rajeunira, n’est-ce pas ? vieux !

Et Sandoz l’emmena, un bras sous le sien, le serrant, le réchauffant, tâchant de le tirer de son silence morne.

— Voyons, sapristi ! il ne faut pas te démonter de la sorte. Ils ont beau l’avoir mal placé, ton tableau est superbe, un fameux morceau de peintre !… Oui, je sais, tu avais rêvé autre chose. Que diable ! tu n’es pas mort, ce sera pour plus tard… Et, regarde ! tu devrais être fier, car c’est toi le véritable triomphateur du Salon, cette année. Il n’y a pas que Fagerolles qui te pille, tous maintenant t’imitent, tu les as révolutionnés, depuis ton Plein air, dont ils ont tant ri… Regarde, regarde ! en voilà encore un de Plein air, en voilà un autre, et ici, et là-bas, tous, tous !

De la main, au travers des salles, il désignait des toiles. En effet, le coup de clarté, peu à peu introduit dans la peinture contemporaine, éclatait enfin. L’ancien Salon noir, cuisiné au bitume, avait fait place à un Salon ensoleillé, d’une gaieté de printemps. C’était l’aube, le jour nouveau qui avait pointé jadis