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L’ŒUVRE.

En entrant dans la maison, Sandoz et Claude revirent le valet de chambre qui s’était montré insolent ; et ils s’aperçurent que Dubuche tremblait devant lui. L’office et l’antichambre, épousant les mépris du beau-père qui payait, traitaient le mari de madame en mendiant toléré par charité. À chaque chemise qu’on lui préparait, à chaque morceau de pain qu’il osait redemander, il demandait l’aumône dans le geste impoli des domestiques.

— Eh bien! adieu, nous te laissons, dit Sandoz qui souffrait.

— Non, non, attendez un moment… Les enfants vont déjeuner, et je vous accompagnerai avec eux. Il faut qu’ils fassent leur promenade.

Chaque journée était ainsi réglée heure par heure. Le matin, la douche, le bain, la séance de gymnastique, puis le déjeuner, qui était toute une affaire, car il leur fallait une nourriture spéciale, discutée, pesée, et l’on allait jusqu’à faire tiédir leur eau rougie, de crainte qu’une goutte trop fraîche ne leur donnât un rhume. Ce jour-là, ils eurent un jaune d’œuf délayé dans du bouillon, et une noix de côtelette, que le père leur coupa en tout petits morceaux. Ensuite, venait la promenade, avant la sieste.

Sandoz et Claude se retrouvèrent dehors, le long des larges avenues, avec Dubuche, qui poussait de nouveau la voiture d’Alice ; tandis que Gaston, à présent, marchait près de lui. On causa de la propriété, en se dirigeant vers la grille. Le maître jetait sur le vaste parc des yeux timides et inquiets, comme s’il ne se fût pas senti chez lui. Du reste, il ne savait rien, il ne s’occupait de rien. Il semblait avoir oublié jusqu’à son métier d’architecte qu’on l’accusait de ne pas connaître, dévoyé, anéanti d’oisiveté.