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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/429

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L’ŒUVRE.

— Et toi qui célébrais les omelettes de la mère Faucheur ! dit Sandoz. Une maison finie… Nous faisons un tour, n’est-ce pas ?

Claude allait refuser. Depuis le matin il n’avait qu’une hâte, marcher plus vite, comme si chaque pas abrégeait la corvée et le ramenait vers Paris. Son cœur, sa tête, son être entier était resté là-bas. Il ne regardait ni à droite, ni à gauche, filant sans rien distinguer des champs ni des arbres, n’ayant au crâne que son idée fixe, dans une hallucination telle, que, par moments, la pointe de la Cité lui semblait se dresser et l’appeler du milieu des vastes chaumes. Pourtant, la proposition de Sandoz éveillait en lui des souvenirs ; et, une mollesse l’envahissant, il répondit :

— Oui, c’est ça, allons voir.

Mais, à mesure qu’il avançait le long de la berge, il se révoltait de douleur. C’était à peine s’il reconnaissait le pays. On avait construit un pont pour relier Bonnières à Bennecourt : un pont, grand Dieu ! à la place de ce vieux bac craquant sur sa chaîne, et dont la note noire, coupant le courant, était si intéressante ! En outre, le barrage établi en aval, à Port-Villez, ayant remonté le niveau de la rivière, la plupart des îles se trouvaient submergées, les petits bras s’élargissaient. Plus de jolis coins, plus de ruelles mouvantes où se perdre, un désastre à étrangler tous les ingénieurs de la marine !

— Tiens ! ce bouquet de saules qui émergent encore, à gauche, c’était le Barreux, l’île où nous allions causer dans l’herbe, tu te souviens ?… Ah ! les misérables !

Sandoz, qui ne pouvait voir couper un arbre sans montrer le poing au bûcheron, pâlissait de la même