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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/440

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LES ROUGON-MACQUART.

— Tiens ! mais Gagnière est là !  s’écria Sandoz.

Alors, comme Gagnière se décidait à saluer les dames, Mahoudeau fit son entrée. Lui, avait blanchi déjà, avec sa face creusée et farouche, où vacillaient des yeux d’enfance. Il portait encore un pantalon trop court, une redingote qui plissait dans le dos, malgré l’argent qu’il gagnait à présent ; car le marchand de bronzes, pour lequel il travaillait, avait lancé de lui des statuettes charmantes, que l’on commençait à voir sur les cheminées et les consoles bourgeoises.

Sandoz et Claude s’étaient tournés, curieux d’assister à cette rencontre de Mahoudeau avec Mathilde et Jory. Mais la chose se passa très simplement. Le sculpteur s’inclinait devant elle, respectueux, lorsque le mari, de son air d’inconscience sereine, crut devoir la lui présenter, pour la vingtième fois peut-être.

— Eh ! c’est ma femme, camarade ! Serrez-vous donc la main !

Alors, très graves, en gens du monde que l’on force à une familiarité un peu prompte, Mathilde et Mahoudeau se serrèrent la main. Seulement, dès que celui-ci se fut débarrassé de la corvée, et qu’il eut retrouvé Gagnière dans un coin du salon, tous deux se mirent à ricaner et à se rappeler en mots terribles les abominations d’autrefois. Hein ? elle avait des dents aujourd’hui, elle qui jadis ne pouvait pas mordre, heureusement !

On attendait Dubuche, car il avait formellement promis de venir.

— Oui, expliqua tout haut Henriette, nous ne serons que neuf. Fagerolles nous a écrit ce matin, pour s’excuser : un dîner officiel, où il a été brusquement