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LES ROUGON-MACQUART.

achevait à peine de servir le potage, lorsque madame Jory lâcha une phrase malheureuse. Voulant être aimable, n’ayant pas entendu les excuses de son mari, elle dit au maître de la maison :

— Eh bien! vous avez été content de l’article de ce matin, Édouard en a revu lui-même les épreuves avec tant de soin !

Du coup, Jory se troubla, bégaya :

— Mais non ! mais non ! Il est très mauvais, cet article, tu sais bien qu’il a passé pendant mon absence, l’autre soir.

Au silence gêné qui s’était fait, elle comprit sa faute. Mais elle aggrava la situation, elle lui jeta un regard aigu, en répondant très haut, pour l’accabler et se mettre à part :

— Encore un de tes mensonges ! Je répète ce que tu m’as dit… Tu entends, je ne veux pas que tu me rendes ridicule !

Cela glaça le commencement du dîner. Vainement, Henriette recommanda les kilkis, seule Christine les trouva très bons. Sandoz, que l’embarras de Jory récréait, lui rappela joyeusement, quand les rougets grillés parurent, un déjeuner qu’ils avaient fait ensemble à Marseille, autrefois. Ah ! Marseille, la seule ville où l’on mange !

Claude, absorbé depuis un instant, sembla sortir d’un rêve, pour demander, sans transition :

— Est-ce que c’est décidé ? est-ce qu’ils ont choisi les artistes, pour les nouvelles décorations de l’Hôtel-de-Ville ?

— Non, dit Mahoudeau, ça va se faire… Moi, je n’aurai rien, je ne connais personne… Fagerolles lui-même est très inquiet. S’il n’est point ici ce soir, c’est que ça ne marche pas tout seul… Ah ! il a