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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/444

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LES ROUGON-MACQUART.

— Hein ? des cèpes ? finit par répéter le sculpteur. Non, merci.

Et il continua.

— Le drôle, c’est que Naudet poursuit Fagerolles. Parfaitement ! il est en train de le faire saisir… Ah ! ce que je rigole, moi ! Nous allons en voir, un nettoyage, avenue de Villiers, chez tous ces petits peintres à hôtel. La bâtisse sera pour rien, au printemps… Donc, Naudet, qui avait forcé Fagerolles à bâtir, et qui l’avait meublé comme une catin, a voulu reprendre ses bibelots et ses tentures. Mais l’autre a emprunté dessus, paraît-il… Vous voyez l’histoire : le marchand l’accuse d’avoir gâché son affaire en exposant, par une vanité d’étourdi ; le peintre répond qu’il entend ne plus être volé ; et ils vont se manger, j’espère bien !

La voix de Gagnière s’éleva, une voix inexorable et douce de rêveur éveillé.

— Rasé, Fagerolles !… D’ailleurs, il n’a jamais eu de succès.

On se récria. Et sa vente annuelle de cent mille francs, et ses médailles, et sa croix ? Mais lui, obstiné, souriait d’un air mystérieux, comme si les faits ne pouvaient rien contre sa conviction de l’au-delà. Il hochait la tête, plein de dédain.

— Laissez-moi donc tranquille ! Jamais il n’a su ce que c’était qu’une valeur.

Jory allait défendre le talent de Fagerolles, qu’il regardait comme son œuvre, lorsque Henriette leur demanda un peu de recueillement pour les raviolis. Il y eut une courte détente, au milieu du bruit cristallin des verres et du léger cliquetis des fourchettes. La table, dont la belle symétrie se débandait déjà, semblait s’être allumée davantage, au feu âpre