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LES ROUGON-MACQUART.

sont affreuses, elles sont raides et froides comme des cadavres… Et je t’aime, et je veux t’avoir. Il faut tout te dire, tu ne comprends pas, quand je rôde autour de toi, que je t’offre de poser, que je suis là, à te frôler, dans ton haleine. C’est que je t’aime, entends-tu ? c’est que je suis en vie, moi ! et que je te veux…

Éperdument, elle le liait de ses membres, de ses bras nus, de ses jambes nues. Sa chemise, à moitié arrachée, avait laissé jaillir sa gorge, qu’elle écrasait contre lui, qu’elle voulait entrer en lui, dans cette dernière bataille de sa passion. Et elle était la passion elle-même, débridée enfin avec son désordre et sa flamme, sans les réserves chastes d’autrefois, emportée à tout dire, à tout faire, pour vaincre. Sa face s’était gonflée, les yeux doux et le front limpide disparaissaient sous les mèches tordues des cheveux, il n’y avait plus que les mâchoires saillantes, le menton violent, les lèvres rouges.

— Oh ! non, laisse ! murmura Claude. Oh ! je suis trop malheureux !

De sa voix ardente, elle continua :

— Tu me crois peut-être vieille. Oui, tu disais que je me gâtais, et je l’ai cru moi-même, je m’examinais pendant la pose, pour chercher des rides… Mais ce n’était pas vrai, ça ! Je le sens bien, que je n’ai pas vieilli, que je suis toujours jeune, toujours forte…

Puis, comme il se débattait encore :

— Regarde donc !

Elle s’était reculée de trois pas ; et, d’un grand geste, elle ôta sa chemise, elle se trouva toute nue, immobile, dans cette pose qu’elle avait gardée durant de si longues séances. D’un simple mouvement du menton, elle indiqua la figure du tableau.