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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/55

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L’ŒUVRE.

pas pour moi, pour un sculpteur qui cherche une Psyché. Est-ce que tu as l’adresse, là ?  

Et Dubuche s’était tourné vers un pan du mur grisâtre, où se trouvaient, écrites à la craie, jetées dans tous les sens, des adresses de modèles. Les femmes surtout laissaient là, en grosses écritures d’enfant, leurs cartes de visite. Zoé Piédefer, rue Campagne-Première, 7, une grande brune dont le ventre s’abîmait, coupait en deux la petite Flore Beauchamp, rue de Laval, 32, et Judith Vaquez, rue du Rocher, 69, une juive, l’une et l’autre assez fraîches, mais trop maigres.

— Dis, as-tu l’adresse ?  

Alors, Claude s’emporta.

— Eh ! fiche-moi la paix !… Est-ce que je sais ?… Tu es agaçant, à vous déranger toujours, quand on travaille !  

Sandoz n’avait rien dit, étonné d’abord, puis souriant. Il était plus subtil que Dubuche, il lui fit un signe d’intelligence, et ils se mirent à plaisanter. Pardon ! excuse ! du moment que monsieur la gardait pour son usage intime, on ne lui demandait pas de la prêter. Ah ! le gaillard, qui se payait les belles filles ! Et où l’avait-il ramassée ? Dans un bastringue de Montmartre ou sur un trottoir de la place Maubert ?

De plus en plus gêné, le peintre s’agitait.

— Que vous êtes bêtes, mon Dieu ! Si vous saviez comme vous êtes bêtes !… En voilà assez, vous me faites de la peine.

Sa voix était si altérée, que les deux autres, immédiatement, se turent ; et lui, après avoir gratté de nouveau la tête de la figure nue, la redessina et la repeignit, d’après la tête de Christine, d’une main emportée, mal assurée, qui s’égarait. Puis, il attaqua