neur !… Quinze francs, ça ! Ah ! mon petit, tu as tort, voilà un sale tour dont tu te repentiras !
Épuisé, Claude le laissa décrocher la toile. Elle disparut comme par enchantement, dans la grande redingote verte. Avait-elle glissé au fond d’une poche spéciale ? dormait-elle sous le revers ? Aucune bosse ne l’indiquait.
Son coup fait, le père Malgras se dirigea vers la porte, subitement calmé. Mais il se ravisa et revint dire, de son air bonhomme :
— Écoutez donc Lantier, j’ai besoin d’un homard… Hein ? vous me devez bien ça, après m’avoir étrillé… Je vous apporterai le homard ; vous m’en ferez une nature morte, et vous le garderez pour la peine, vous le mangerez avec des amis… Entendu, n’est-ce pas ?
À cette proposition, Sandoz et Dubuche, qui avaient jusque-là écouté curieusement, éclatèrent d’un si grand rire, que le marchand s’égaya, lui aussi. Ces rosses de peintres, ça ne fichait rien de bon, ça crevait la faim. Qu’est-ce qu’ils seraient devenus, les sacrés fainéants, si le père Malgras, de temps à autre, ne leur avait pas apporté un beau gigot, une barbue bien fraîche, ou un homard avec son bouquet de persil ?
— J’aurai mon homard, n’est-ce pas ? Lantier… Merci bien.
De nouveau, il restait planté devant l’ébauche de la grande toile, avec son souffre d’admiration railleuse. Et il partit enfin, en répétant :
— En voilà une machine !
Claude voulut reprendre encore sa palette et ses brosses. Mais ses jambes fléchissaient, ses bras retombaient, engourdis, comme liés à son corps par