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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/134

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les retenait là, l’angoisse de ce qui se passait dans le cabinet du juge, l’impossibilité physique de s’en aller, tant qu’ils n’apprendraient pas de Jacques la question qu’on lui posait encore. Ils revinrent, ils piétinèrent, les jambes cassées. Et ils se retrouvèrent côte à côte sur la banquette, où ils avaient attendu des heures déjà, ils s’y alourdirent, silencieux.

Lorsque le mécanicien reparut, Roubaud se leva, péniblement.

— Nous vous attendions, nous retournerons à la gare ensemble… Eh bien ?

Mais Jacques détournait la tête, embarrassé, comme s’il voulait éviter le regard de Séverine, fixé sur lui.

— Il ne sait plus, il patauge, dit-il enfin. Voilà, maintenant, qu’il m’a demandé s’ils n’étaient pas deux à faire le coup. Et, comme j’ai parlé, au Havre, d’une masse noire pesant sur les jambes du vieux, il m’a questionné là-dessus… Lui semble croire que ce n’était que la couverture. Alors, il a envoyé chercher la couverture, et il a fallu me prononcer… Mon Dieu ! oui, c’était la couverture, peut-être.

Les Roubaud frémissaient. On était sur leur trace, un mot de ce garçon pouvait les perdre. Il savait sûrement, il finirait par causer. Et tous trois, la femme entre les deux hommes, quittaient en silence le Palais de justice, lorsque le sous-chef reprit, dans la rue :

— À propos, camarade, ma femme va être forcée d’aller passer un jour à Paris, pour des affaires. Vous serez bien gentil de la piloter, si elle a besoin de quelqu’un.