Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/145

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— Eh bien ! madame, remettez-moi cela, je m’informerai, j’agirai pour le mieux.

— Je vous suis très reconnaissante, monsieur… Alors, vous obtiendrez le maintien de mon mari, je puis considérer l’affaire comme arrangée ?

— Ah ! par exemple, non ! je ne m’engage à rien… Il faut que je voie, que je réfléchisse.

En effet, il était hésitant, il ne savait quel parti il allait prendre à l’égard du ménage. Et elle n’avait plus qu’une angoisse, depuis qu’elle se sentait à sa merci : cette hésitation, l’alternative d’être sauvée ou perdue par lui, sans pouvoir deviner les raisons qui le décideraient.

— Oh ! monsieur, songez à notre tourment. Vous ne me laisserez pas partir, avant de m’avoir donné une certitude.

— Mon Dieu ! si, madame. Je n’y puis rien. Attendez.

Il la poussait vers la porte. Elle s’en allait, désespérée, bouleversée, sur le point de tout avouer à voix haute, dans un besoin immédiat de le forcer à dire nettement ce qu’il comptait faire d’eux. Pour rester une minute encore, espérant trouver un détour, elle s’écria :

— J’oubliais, je désirais vous demander un conseil, à propos de ce malheureux testament… Pensez-vous que nous devions refuser le legs ?

— La loi est pour vous, répondit-il prudemment. C’est chose d’appréciation et de circonstance.

Elle était sur le seuil, elle tenta un dernier effort.

— Monsieur, je vous en supplie, ne me laissez pas partir ainsi, dites-moi si je dois espérer.

D’un geste d’abandon, elle lui avait pris la main. Il se dégagea. Mais elle le regardait avec de beaux yeux, si ardents de prière, qu’il en fut remué.

— Eh bien ! revenez à cinq heures. Peut-être aurai-je quelque chose à vous dire.

Elle partit, elle quitta l’hôtel, plus angoissée encore qu’elle n’y était venue. La situation s’était précisée, et son