Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/21

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— Nom de Dieu de garce ! tu as couché avec !… couché avec !… couché avec !

Il s’enrageait à ces mots répétés, il abattait les poings, chaque fois qu’il les prononçait, comme pour les lui faire entrer dans la chair.

— Le reste d’un vieux, nom de Dieu de garce !… couché avec !… couché avec !

Sa voix s’étranglait d’une telle colère, qu’elle sifflait et ne sortait plus. Alors, seulement, il entendit que, mollissante sous les coups, elle disait non. Elle ne trouvait pas d’autre défense, elle niait pour qu’il ne la tuât pas. Et ce cri, cet entêtement dans le mensonge, acheva de le rendre fou.

— Avoue que tu as couché avec.

— Non ! non !

Il l’avait reprise, il la soutenait dans ses bras, l’empêchant de retomber la face contre la couverture, en pauvre être qui se cache. Il la forçait à le regarder.

— Avoue que tu as couché avec.

Mais, se laissant glisser, elle s’échappa, elle voulut courir vers la porte. D’un bond, il fut de nouveau sur elle, le poing en l’air ; et, furieusement, d’un seul coup, près de la table, il l’abattit. Il s’était jeté à son côté, il l’avait empoignée par les cheveux, pour la clouer au sol. Un instant, ils restèrent ainsi par terre, face à face, sans bouger. Et, dans l’effrayant silence, on entendit monter les chants et les rires des demoiselles Dauvergne, dont le piano faisait rage, heureusement, en dessous, étouffant les bruits de lutte. C’était Claire qui chantait des rondes de petites filles, tandis que Sophie l’accompagnait à tour de bras.

— Avoue que tu as couché avec.

Elle n’osa plus dire non, elle ne répondit point.

— Avoue que tu as couché avec, nom de Dieu ! ou je t’éventre !