Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/228

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le regardait, elle l’écoutait parler, ranimée, heureuse. Quand il se fut approché de son lit :

— Bien sûr, bien sûr ! déclara-t-elle. Ah ! mon grand garçon, te voilà ! c’est toi qui t’es fait prendre par la neige !… Et cette bête qui ne me prévient pas !

Elle se tourna vers sa fille, elle l’apostropha :

— Sois polie au moins, va retrouver ces messieurs et ces dames, occupe-toi d’eux pour qu’ils ne disent pas à l’administration que nous sommes des sauvages.

Flore était restée plantée entre Jacques et Séverine. Un instant, elle parut hésiter, se demandant si elle n’allait pas s’entêter là, malgré sa mère. Mais elle ne verrait rien, la présence de celle-ci empêcherait les deux autres de se trahir ; et elle sortit, sans une parole, en les enveloppant d’un long regard.

— Comment ! tante Phasie, reprit Jacques d’un air chagrin, vous voilà tout à fait au lit, c’est donc sérieux ?

Elle l’attira, le força même à s’asseoir sur le bord du matelas, et sans plus se soucier de la jeune femme, qui s’était écartée par discrétion, elle se soulagea, à voix très basse.

— Oh ! oui sérieux ! c’est miracle si tu me retrouves en vie… Je n’ai pas voulu t’écrire, parce que ces choses-là, ça ne s’écrit pas… J’ai failli y passer ; mais, maintenant, ça va déjà mieux, et je crois bien que j’en réchapperai, cette fois-ci encore.

Il l’examinait, effrayé des progrès du mal, ne retrouvant plus rien en elle de la belle et saine créature d’autrefois.

— Alors, toujours vos crampes et vos vertiges, ma pauvre tante Phasie.

Mais elle lui serrait la main à la briser, elle continua, en baissant la voix davantage :

— Imagine-toi que je l’ai surpris… Tu sais que j’en donnais ma langue aux chiens, de ne pas savoir dans quoi