Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/246

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Mais, à tenir ainsi Jacques, bientôt Séverine brûla de nouveau. Et, avec le désir, se réveilla en elle le besoin de l’aveu. Depuis de si longues semaines, il la tourmentait ! La tache ronde, au plafond, s’élargissait, semblait s’étendre comme une tache de sang. Ses yeux s’hallucinaient à la regarder, les choses autour du lit reprenaient des voix, contaient l’histoire tout haut. Elle sentait les mots lui en monter aux lèvres, avec l’onde nerveuse qui soulevait sa chair. Comme cela serait bon, de ne plus rien cacher, de se fondre en lui tout entière !

— Tu ne sais pas, chéri…

Jacques, qui, lui non plus, ne quittait pas du regard la tache saignante entendait bien ce qu’elle allait dire. Contre lui, dans ce corps délicat noué à son corps, il venait de suivre le flot montant de cette chose obscure, énorme, à laquelle tous deux pensaient, sans jamais en parler. Jusque-là, il l’avait fait taire, craignant le frisson précurseur de son mal de jadis, tremblant que cela ne changeât leur existence, de causer de sang entre eux. Mais, cette fois, il était sans force, même pour pencher la tête et lui fermer la bouche d’un baiser, tellement une langueur délicieuse l’avait envahi, dans ce lit tiède, aux bras souples de cette femme. Il crut que c’était fait, qu’elle dirait tout. Aussi fut-il soulagé de son attente anxieuse, lorsqu’elle parut se troubler, hésiter, puis reculer et dire :

— Tu ne sais pas, chéri, mon mari se doute que je couche avec toi.

À la dernière seconde, sans qu’elle l’eût voulu, c’était le souvenir de la nuit d’auparavant, au Havre, qui sortait de ses lèvres, au lieu de l’aveu.

— Oh ! tu crois ? murmura-t-il, incrédule. Il a l’air si gentil. Il m’a encore tendu la main ce matin.

— Je t’assure qu’il sait tout. En ce moment, il doit se dire que nous sommes comme ça, l’un dans l’autre, à nous aimer ! J’ai des preuves.