Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/310

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regard. Dans l’armoire, d’abord : il prit les clefs sous le traversin, bouleversa les planches chargées de linge, vida les deux tiroirs, les enleva même, pour voir s’il n’y avait pas de cachette. Non, rien ! Ensuite, il songea à la table de nuit. Il en décolla le marbre, le retourna, inutilement. Derrière la glace de la cheminée, une mince glace de foire, fixée par deux clous, il pratiqua aussi un sondage, glissa une règle plate, ne retira qu’un floconnement noir de poussière. Cherche ! cherche ! Alors, pour échapper aux yeux grands ouverts qu’il sentait sur lui, il se mit à quatre pattes, tapant le carreau à légers coups de poing, écoutant si quelque résonance ne lui révélerait pas un vide. Plusieurs carreaux étaient descellés, il les arracha. Rien, toujours rien ! Lorsqu’il fut debout de nouveau, les yeux le reprirent, il se tourna, voulut planter son regard dans le regard fixe de la morte ; tandis que, du coin de ses lèvres retroussées, elle accentuait son terrible rire. Il n’en doutait plus, elle se moquait de lui. Cherche ! cherche ! La fièvre le gagnait, il s’approcha d’elle, envahi d’un soupçon, d’une idée sacrilège, qui pâlissait encore sa face blême. Pourquoi avait-il cru que, sûrement, elle ne les emportait pas, ses mille francs ? peut-être bien tout de même qu’elle les emportait. Et il osa la découvrir, la dévêtir, il la visita, chercha à tous les plis de ses membres puisqu’elle lui disait de chercher. Sous elle, derrière sa nuque, derrière ses reins, il chercha. Le lit fut bouleversé, il enfonça son bras jusqu’à l’épaule dans la paillasse. Il ne trouva rien. Cherche ! cherche ! Et la tête, retombée sur l’oreiller en désordre, le regardait toujours de ses prunelles goguenardes.

Comme Misard, furieux et tremblant, tâchait d’arranger le lit, Flore rentra, de retour de Doinville.

— Ce sera pour après-demain samedi, onze heures, dit-elle.