Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle parlait de l’enterrement. Mais d’un coup d’œil, elle avait compris à quelle besogne Misard s’était essoufflé pendant son absence. Elle eut un geste d’indifférence dédaigneuse.

— Laissez donc, vous ne les trouverez pas.

Il s’imagina qu’elle aussi le bravait. Et, s’avançant, les dents serrées :

— Elle te les a donnés, tu sais où ils sont.

L’idée que sa mère avait pu donner ses mille francs à quelqu’un, même à elle, sa fille, lui fit hausser les épaules.

— Ah ! ouitche ! donnés… Donnés à la terre, oui !… Tenez, ils sont par là, vous pouvez chercher.

Et, d’un geste large, elle indiqua la maison entière, le jardin avec son puits, la ligne ferrée, toute la vaste campagne. Oui, par là, au fond d’un trou, quelque part où jamais plus personne ne les découvrirait. Puis, pendant que, hors de lui, anxieux, il se remettait à bousculer les meubles, à taper dans les murs, sans se gêner devant elle, la jeune fille, debout près de la fenêtre, continua à demi-voix :

— Oh ! il fait doux dehors, la belle nuit !… J’ai marché vite, les étoiles éclairent comme en plein jour… Demain, quel beau temps, au lever du soleil !

Un instant, Flore resta devant la fenêtre, les yeux dans cette campagne sereine, attendrie par les premières tiédeurs d’avril, et dont elle revenait songeuse, souffrant davantage de la plaie avivée de son tourment. Mais, lorsqu’elle entendit Misard quitter la chambre et s’acharner dans les pièces voisines, elle s’approcha du lit à son tour, elle s’assit, les regards sur sa mère. Au coin de la table, la chandelle brûlait toujours d’une flamme haute et immobile. Un train passa, qui secoua la maison.

La résolution de Flore était de rester la nuit là, et elle réfléchissait. D’abord, la vue de la morte la tira de son