Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/47

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revint à sa préoccupation constante, à l’idée de la santé, chez les autres autant que chez elle.

— Et toi, ça va-t-il tout à fait bien, maintenant ? Tu te rappelles, chez nous, les choses dont tu souffrais, et auxquelles le docteur ne comprenait rien ?

Il eut son vacillement inquiet du regard.

— Je me porte très bien, marraine.

— Vrai ! tout a disparu, cette douleur qui te trouait le crâne, derrière les oreilles, et les coups de fièvre brusques, et ces accès de tristesse qui te faisaient te cacher comme une bête, au fond d’un trou ?

À mesure qu’elle parlait, il se troublait davantage, pris d’un tel malaise, qu’il finit par l’interrompre, d’une voix brève.

— Je vous assure que je me porte très bien… Je n’ai plus rien, plus rien du tout.

— Allons, tant mieux, mon garçon !… Ce n’est point parce que tu aurais du mal, que ça me guérirait le mien. Et puis, c’est de ton âge, d’avoir de la santé. Ah ! la santé, il n’y a rien de si bon… Tu es tout de même très gentil d’être venu me voir, quand tu aurais pu aller t’amuser ailleurs. N’est-ce pas ? tu vas dîner avec nous, et tu coucheras là-haut dans le grenier, à côté de la chambre de Flore.

Mais, encore une fois, un son de trompe lui coupa la parole. La nuit était tombée, et tous deux, en se tournant vers la fenêtre, ne distinguèrent plus que confusément Misard causant avec un autre homme. Six heures venaient de sonner, il remettait le service à son remplaçant, le stationnaire de nuit. Il allait être libre enfin, après ses douze heures passées dans cette cabane, meublée seulement d’une petite table, sous la planchette des appareils, d’un tabouret et d’un poêle, dont la chaleur trop forte l’obligeait à tenir presque constamment la porte ouverte.