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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/90

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— Regardez sous l’autre coussin, voir si rien n’y a glissé.

Il souleva le coussin, il chercha, les mains prudentes, les regards simplement curieux.

— Il n’y a rien.

Mais une tache, sur le drap capitonné du dossier, attira son attention ; et il la signala au commissaire, N’était-ce pas l’empreinte sanglante d’un doigt ? Non, on finit par tomber d’accord que c’était une éclaboussure, Le flot de monde s’était rapproché, pour suivre cet examen, flairant le crime, se pressant derrière le chef de gare qu’une répugnance d’homme délicat avait retenu sur le marchepied.

Soudain, celui-ci fit une réflexion.

— Dites donc, monsieur Roubaud, vous étiez dans le train… N’est-ce pas ? vous êtes bien rentré par l’express, hier soir… Vous pourriez peut-être nous donner des renseignements, vous !

— Tiens ! c’est vrai, s’écria le commissaire. Est-ce que vous avez remarqué quelque chose ?

Pendant trois ou quatre secondes, Roubaud demeura muet. Il était baissé à ce moment, examinant le tapis. Mais il se releva presque tout de suite, en répondant de sa voix naturelle, un peu grosse.

— Certainement, certainement, je vais vous dire… Ma femme était avec moi. Si ce que je sais doit figurer au rapport, j’aimerais bien qu’elle descendît, pour contrôler mes souvenirs par les siens.

Cela parut très raisonnable à M. Cauche, et Pecqueux, qui venait d’arriver, offrit d’aller chercher madame Roubaud. Il partit à grandes enjambées, il y eut un moment d’attente. Philomène, accourue avec le chauffeur, l’avait suivi des yeux, irritée de ce qu’il se chargeait de cette commission. Mais, ayant aperçu madame Lebleu, qui se hâtait, de toute la vitesse de ses pauvres jambes enflées,