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LES ROUGON-MACQUART.

— J’avais pourtant compté sur vous pour faire partie du comité fondateur, dit Marthe, que la pensée d’être seule, dans une si grosse aventure, effrayait un peu.

— Non, non, ma présence gâterait les choses, je t’assure. Dis au contraire bien haut que je ne puis être du comité, que je t’ai refusé, en prétextant des occupations. Laisse entendre même que je n’ai pas foi dans ton projet… Cela décidera ces dames, tu verras… Elles seront enchantées d’être d’une bonne œuvre dont je ne serai pas. Vois madame Rastoil, madame de Condamin, madame Delangre ; vois également madame Paloque, mais la dernière ; elle sera flattée, elle te servira plus que toutes les autres… Et si tu te trouvais embarrassée, viens me consulter.

Elle reconduisit sa fille jusque sur l’escalier. Puis, la regardant en face, avec son sourire pointu de vieille :

— Il se porte bien, ce cher abbé ? demanda-t-elle.

— Très-bien, répondit Marthe tranquillement. Je vais à Saint-Saturnin, où je dois voir l’architecte du diocèse.

Marthe et le prêtre avaient pensé que les choses étaient encore trop en l’air pour déranger l’architecte. Ils comptaient se ménager simplement une rencontre avec ce dernier, qui se rendait chaque jour à Saint-Saturnin, où l’on réparait justement une chapelle. Ils pourraient l’y consulter comme par hasard. Marthe, ayant traversé l’église, aperçut l’abbé Faujas et M. Lieutaud, causant sur un échafaudage, d’où ils se hâtèrent de descendre. Une des épaules de l’abbé était toute blanche de plâtre ; il s’intéressait aux travaux.

À cette heure de l’après-midi, il n’y avait pas une dévote, la nef et les bas-côtés étaient déserts, encombrés d’une débandade de chaises que deux bedeaux rangeaient bruyamment. Des maçons s’appelaient du haut des échelles, au milieu d’un bruit de truelles grattant les murs. Saint-Saturnin n’avait rien de religieux, si bien que Marthe ne s’était pas même signée. Elle s’assit devant la chapelle en