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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/103

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

réparation, entre l’abbé Faujas et M. Lieutaud, comme elle l’aurait fait dans le cabinet de travail de celui-ci, si elle était allée prendre son avis chez lui.

L’entretien dura une bonne demi-heure. L’architecte se montra très complaisant ; son opinion fut qu’il ne fallait pas bâtir un local pour l’œuvre de la Vierge, ainsi que l’abbé appelait l’établissement projeté. Cela reviendrait bien trop cher. Il était préférable d’acheter une bâtisse toute faite, qu’on approprierait aux besoins de l’œuvre. Et il indiqua même, dans le faubourg, un ancien pensionnat, où s’était ensuite établi un marchand de fourrages, et qui était à vendre. Avec quelques milliers de francs, il se faisait fort de transformer complètement cette ruine ; il promettait même des merveilles, une entrée élégante, de vastes salles, une cour plantée d’arbres. Peu à peu, Marthe et le prêtre avaient élevé la voix, ils discutaient les détails sous la voûte sonore de la nef, tandis que M. Lieutaud, du bout de sa canne, égratignait les dalles, pour leur donner une idée de la façade.

— Alors, c’est convenu, monsieur, dit Marthe en prenant congé de l’architecte ; vous ferez un petit devis, de façon que nous sachions à quoi nous en tenir… Et veuillez nous garder le secret, n’est-ce pas ?

L’abbé Faujas voulut l’accompagner jusqu’à la petite porte de l’église. Comme ils passaient ensemble devant le maître-autel, et qu’elle continuait à s’entretenir vivement avec lui, elle fut toute surprise de ne plus le trouver à son côté ; elle le chercha, elle l’aperçut, plié en deux, en face de la grande croix cachée dans son étui de mousseline. Ce prêtre, qui s’inclinait ainsi, couvert de plâtre, lui causa une singulière sensation. Elle se rappela où elle était, regardant autour d’elle d’un air inquiet, étouffant le bruit de ses pas. À la porte, l’abbé, devenu très-grave, lui tendit silencieusement son doigt mouillé d’eau bénite. Elle se signa, toute trou-