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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

L’abbé Faujas semblait ne pas s’apercevoir du lent réveil qui l’animait chaque jour davantage. Il restait pour elle un homme affairé, obligeant, laissant le ciel de côté. Jamais le prêtre ne perçait. Parfois, pourtant, elle le dérangeait d’un enterrement ; il venait en surplis, causait un instant entre deux piliers, apportant avec lui une vague odeur d’encens et de cire. C’était souvent pour un mémoire de maçon, une exigence du menuisier. Il indiquait des chiffres précis, et s’en allait accompagner son mort, tandis qu’elle demeurait là, s’attardait dans la nef vide, où un bedeau éteignait les cierges. Quand l’abbé Faujas, traversant l’église avec elle, s’inclinait devant le maître-autel, elle avait pris l’habitude de s’incliner de même, d’abord par simple convenance ; puis, ce salut était devenu machinal, et elle saluait même lorsqu’elle se trouvait seule. Jusque-là, cette révérence était toute sa dévotion. Deux ou trois fois, elle vint sans savoir, des jours de grande cérémonie ; mais en entendant le bruit des orgues, en voyant l’église pleine, elle s’était sauvée, prise de peur, n’osant franchir la porte.

— Eh bien ! lui demandait souvent Mouret avec son ricanement, à quand ta première communion ?

Il continuait à la cribler de ses plaisanteries. Elle ne répondait jamais ; elle arrêtait sur lui des yeux fixes, où une flamme courte s’allumait, lorsqu’il allait trop loin. Peu à peu, il devint plus amer, il n’eut plus le cœur à se moquer. Puis, au bout d’un mois, il se fâcha.

— Est-ce qu’il y a du bon sens à se fourrer avec la prêtraille ! grondait-il, les jours où il ne trouvait pas son dîner prêt. Tu es toujours dehors maintenant, on ne peut pas te garder une heure à la maison… Ça me serait encore égal, si tout n’en souffrait pas ici. Mais je n’ai plus de linge raccommodé, la table n’est seulement pas mise à sept heures, on ne peut plus venir à bout de Rose, la maison est au pillage.

Et il ramassait un torchon qui traînait, serrait une bou-