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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/18

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LES ROUGON-MACQUART.

bruyante du bavardage des enfants, il allongea la tête, disant de sa voix souple :

— Permettez-moi de vous remercier encore et de nous excuser de tout ce dérangement… Nous sommes confus…

— Mais non, mais non ! cria Mouret ; c’est nous autres qui sommes désolés de n’avoir pas mieux à vous offrir pour cette nuit.

Le prêtre salua, et Marthe rencontra de nouveau ce regard clair, ce regard d’aigle qui l’avait émotionnée. Il semblait qu’au fond de l’œil, d’un gris morne d’ordinaire, une flamme passât brusquement, comme ces lampes qu’on promène derrière les façades endormies des maisons.

— Il a l’air de ne pas avoir froid aux yeux, le curé, dit railleusement Mouret, quand la mère et le fils ne furent plus là.

— Je les crois peu heureux, murmura Marthe.

— Pour ça, il n’apporte certainement pas le Pérou dans sa malle… Elle est lourde, sa malle ! Je l’aurais soulevée du bout de mon petit doigt.

Mais il fut interrompu dans son bavardage par Rose, qui venait de descendre l’escalier en courant, afin de raconter les choses surprenantes qu’elle avait vues.

— Ah ! bien, dit-elle en se plantant devant la table où mangeaient ses maîtres, en voilà une gaillarde ! Cette dame a au moins soixante-cinq ans, et ça ne paraît guère, allez ! Elle vous bouscule, elle travaille comme un cheval.

— Elle t’a aidée à déménager les fruits ? demanda curieusement Mouret.

— Je crois bien, monsieur. Elle emportait les fruits comme ça, dans son tablier ; des charges à tout casser. Je me disais : « Bien sûr, la robe va y rester. » Mais pas du tout ; c’est de l’étoffe solide, de l’étoffe comme j’en porte moi-même. Nous avons dû faire plus de dix voyages. Moi, j’avais les bras rompus. Elle bougonnait, disant que ça ne