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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/192

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LES ROUGON-MACQUART.

Je ne puis pourtant pas vous donner cette maison, qui ne m’appartient pas.

Olympe haussa les épaules ; elle fit taire son mari qui allait répondre, et tranquillement :

— Chacun entend la vie à sa façon. Tu aurais des millions que tu n’achèterais pas une descente de lit ; tu dépenserais ton argent à quelque grande affaire bête. Nous autres, nous aimons à être à notre aise chez nous… Ose donc dire que, si tu voulais les plus beaux meubles de la maison, et le linge, et les provisions, et tout, tu ne l’aurais pas ce soir ?… Eh bien, un bon frère, dans ce cas-là, aurait déjà songé à ses parents ; il ne les laisserait pas dans la crotte, comme tu nous y laisses.

L’abbé Faujas regarda profondément les Trouche. Ils se dandinaient tous les deux sur leurs chaises.

— Vous êtes ingrats, leur dit-il au bout d’un silence. J’ai déjà fait beaucoup pour vous. Si vous mangez du pain aujourd’hui, c’est à moi que vous le devez ; car j’ai encore tes lettres, Olympe, ces lettres où tu me suppliais de vous sauver de la misère, en vous faisant venir à Plassans. Maintenant que vous voilà auprès de moi, avec votre vie assurée, ce sont de nouvelles exigences…

— Bah ! interrompit brutalement Trouche, si vous nous avez fait venir, c’était que vous aviez besoin de nous. Je suis payé pour ne croire aux beaux sentiments de personne… Je laissais parler ma femme tout à l’heure ; mais les femmes n’arrivent jamais au fait… En deux mots, mon cher ami, vous avez tort de nous tenir en cage, comme des dogues fidèles, qu’on sort seulement les jours de danger. Nous nous ennuyons, nous finirons par faire des bêtises. Laissez-nous un peu de liberté, que diable ! Puisque la maison n’est pas à vous et que vous dédaignez les douceurs, qu’est-ce que cela peut vous faire, si nous nous installons à notre guise ? Nous ne mangerons pas les murs, peut-être !