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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Sans doute, insista Olympe ; on deviendrait enragé, toujours sous clef… Nous serons bien gentils pour toi. Tu sais que mon mari n’attend qu’un signe… Va ton chemin, compte sur nous ; mais nous voulons notre part… N’est-ce pas, c’est entendu ?

L’abbé Faujas avait baissé la tête ; il resta un moment silencieux ; puis, se levant :

— Écoutez, dit-il, sans répondre directement, si vous devenez jamais un empêchement pour moi, je vous jure que je vous renvoie dans un coin crever sur la paille.

Et il remonta, les laissant sous la tonnelle. À partir de ce moment, les Trouche descendirent presque chaque jour au jardin ; mais ils y mettaient quelque discrétion, ils évitaient de s’y trouver aux heures où le prêtre causait avec les sociétés des jardins voisins.

La semaine suivante, Olympe se plaignait tellement de la chambre qu’elle occupait, que Marthe, obligeamment, lui offrit celle de Serge, restée libre. Les Trouche gardèrent les deux pièces. Ils couchèrent dans l’ancienne chambre du jeune homme, dont pas un meuble d’ailleurs ne fut enlevé, et ils firent de l’autre pièce une sorte de salon, pour lequel Rose leur trouva dans le grenier un ancien meuble de velours. Olympe, ravie, se commanda un peignoir rose chez la meilleure couturière de Plassans.

Mouret, oubliant un soir que Marthe lui avait demandé de prêter la chambre de Serge, fut tout surpris d’y trouver les Trouche. Il montait pour prendre un couteau que le jeune homme avait dû laisser au fond de quelque tiroir. Justement, Trouche taillait avec ce couteau une canne de poirier, qu’il venait de couper dans le jardin. Alors, Mouret redescendit, en s’excusant.