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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Oh ! le Jésus ! dit-elle avec une tendresse apitoyée de commère.

L’abbé Surin, les yeux fermés, la face pâle entre ses longs cheveux blonds, ressemblait à un de ces martyrs aimables qui se pâment sur les images de sainteté. L’aînée des demoiselles Rastoil lui soutenait la tête, renversée mollement, découvrant le cou blanc et délicat. On s’empressa. Madame de Condamin, à légers coups, lui tamponna les tempes avec un linge trempé dans de l’eau vinaigrée. Les deux sociétés attendaient, anxieuses. Enfin il ouvrit les yeux, mais il les referma. Il s’évanouit encore deux fois.

— Vous m’avez fait une belle peur ! lui dit poliment le docteur Porquier, qui avait gardé sa main dans la sienne.

L’abbé restait assis, confus, remerciant, assurant que ce n’était rien. Puis, il vit qu’on lui avait déboutonné sa soutane et qu’il avait le cou nu ; il sourit, il remit son rabat. Et, comme on lui conseillait de se tenir tranquille, il voulut montrer qu’il était solide ; il retourna dans l’impasse avec les demoiselles Rastoil, pour finir la partie.

— Vous êtes très-bien ici, dit M. Rastoil à l’abbé Faujas, qu’il n’avait pas quitté.

— L’air est excellent sur cette côte, ajouta M. Péqueur des Saulaies de son air charmant.

Les deux sociétés regardaient curieusement la maison des Mouret.

— Si ces dames et ces messieurs, dit Rose, veulent rester un instant dans le jardin… Monsieur le curé est chez lui… Attendez, je vais aller chercher des chaises.

Et elle fit trois voyages, malgré les protestations. Alors, après s’être regardées un instant, les deux sociétés s’assirent par politesse. Le sous-préfet s’était mis à la droite de l’abbé Faujas, tandis que le président se plaçait à sa gauche. La conversation fut très-amicale.

— Vous n’êtes pas un voisin tapageur, monsieur le curé,