fût là, ne lui adressant presque jamais la parole, agissant comme si l’abbé Faujas eût seul donné des ordres dans la maison. D’ailleurs, Mouret ne se révoltait pas ; il échangeait quelques mots de politesse avec le prêtre, mangeait en silence, répondait par de lents regards aux attaques de la cuisinière. Puis, comme il avait toujours fini le premier, il pliait sa serviette méthodiquement, et se retirait, souvent avant le dessert.
Rose prétendait qu’il enrageait. Quand elle causait avec madame Faujas dans la cuisine, elle lui expliquait son maître tout au long.
— Je le connais bien, il ne m’a jamais bien effrayée… Avant que vous veniez ici, madame tremblait devant lui, parce qu’il était toujours à criailler, à faire l’homme terrible. Il nous embêtait tous d’une jolie manière, sans cesse sur notre dos, ne trouvant rien de bien, fourrant son nez partout, voulant montrer qu’il était le maître… Maintenant, il est doux comme un mouton, n’est-ce pas ? C’est que madame a pris le dessus. Ah ! s’il était brave, s’il ne craignait pas toutes sortes d’ennuis, vous entendriez une jolie chanson. Mais il a trop peur de votre fils ; oui, il a peur de monsieur le curé… On dirait qu’il devient imbécile, par moments. Après tout, puisqu’il ne nous gêne plus, il peut bien être comme il lui plaît, n’est-ce pas, madame ?
Madame Faujas répondait que M. Mouret lui paraissait un très-digne homme ; il avait le seul tort de ne pas être religieux. Mais il reviendrait certainement au bien, plus tard. Et la vieille dame s’emparait lentement du rez-de-chaussée, allant de la cuisine à la salle à manger, trottant dans le vestibule et dans le corridor. Mouret, quand il la rencontrait, se rappelait le jour de l’arrivée des Faujas, lorsque, vêtue d’une loque noire, ne lâchant pas le panier qu’elle tenait à deux mains, elle allongeait le cou dans chaque pièce, avec l’aisance tranquille d’une personne qui visite une maison à vendre.