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LES ROUGON-MACQUART.

Depuis que les Faujas mangeaient au rez-de-chaussée, le second étage appartenait aux Trouche. Ils y devenaient bruyants ; des bruits de meubles roulés, des piétinements, des éclats de voix, descendaient par les portes ouvertes et violemment refermées. Madame Faujas, en train de causer dans la cuisine, levait la tête d’un air inquiet. Rose, pour arranger les choses, disait que cette pauvre madame Trouche avait bien du mal. Une nuit, l’abbé, qui n’était point encore couché, entendit dans l’escalier un tapage étrange. Étant sorti avec son bougeoir, il aperçut Trouche abominablement gris, qui montait les marches sur les genoux. Il le souleva de son bras robuste, le jeta chez lui. Olympe, couchée, lisait tranquillement un roman, en buvant à petits coups un grog posé sur la table de nuit.

— Écoutez, dit l’abbé Faujas, livide de colère, vous ferez vos malles demain matin, et vous partirez.

— Tiens, pourquoi donc ? demanda Olympe sans se troubler ; nous sommes bien ici.

Mais le prêtre l’interrompit rudement.

— Tais-toi ! Tu es une malheureuse, tu n’as jamais cherché qu’à me nuire. Notre mère avait raison, je n’aurais pas dû vous tirer de votre misère… Voilà qu’il me faut ramasser ton mari dans l’escalier, maintenant ! C’est une honte. Et pense au scandale, si on le voyait dans cet état… Vous partirez demain.

Olympe s’était assise pour boire une gorgée de grog.

— Ah ! non, par exemple ! murmura-t-elle.

Trouche riait. Il avait l’ivresse gaie. Il était tombé dans un fauteuil, épanoui, ravi.

— Ne nous fâchons pas, bégaya-t-il. Ce n’est rien, un petit étourdissement, à cause de l’air, qui est très-vif. Avec ça, les rues sont drôles dans cette sacrée ville… Je vais vous dire, Faujas, ce sont des jeunes gens très-convenables. Il y a là le fils du docteur Porquier. Vous connaissez bien, le