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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

toucher, elle regarde comment ils sont faits et ce qu’ils ont dans le gosier pour chanter. L’autre jour, elle les a promenés tout une après-midi dans ses poches, afin qu’ils aient bien chaud.

— Octave !… dit Marthe d’un ton de reproche ; ne la tourmente pas, la pauvre enfant.

Désirée n’avait pas entendu. Elle racontait à Serge, avec de longs détails, de quelle façon l’oiseau s’était envolé.

— Vois-tu, il a glissé comme ça, il est allé se poser à côté, sur le grand poirier de monsieur Rastoil. De là, il a sauté sur le prunier, au fond. Puis, il a repassé sur ma tête, et il est entré dans les grands arbres de la sous-préfecture, où je ne l’ai plus vu, non, plus du tout.

Des larmes parurent au bord de ses yeux.

— Il reviendra peut-être, hasarda Serge.

— Tu crois ?… J’ai envie de mettre les autres dans une boîte et de laisser la cage ouverte toute la nuit.

Octave ne put s’empêcher de rire ; mais Marthe rappela Désirée.

— Viens donc voir, viens donc voir !

Et elle lui présenta la poupée. La poupée était superbe ; elle avait une jupe roide, une tête formée d’un tampon d’étoffe, des bras faits d’une lisière cousue aux épaules. Le visage de Désirée s’éclaira d’une joie subite. Elle se rassit sur le tabouret, ne pensant plus à l’oiseau, baisant la poupée, la berçant dans sa main, avec une puérilité de gamine.

Serge était venu s’accouder près de son frère. Marthe avait repris son bas.

— Alors, demanda-t-elle, la musique a joué ?

— Elle joue tous les jeudis, répondit Octave. Tu as tort, maman, de ne pas venir. Toute la ville est là, les demoiselles Rastoil, madame de Condamin, monsieur Paloque, la femme et la fille du maire… Pourquoi ne viens-tu pas ?