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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/4

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LES ROUGON-MACQUART.

Marthe ne leva pas les yeux ; elle murmura, en achevant une reprise :

— Vous savez bien, mes enfants, que je n’aime pas sortir. Je suis si tranquille, ici. Puis, il faut que quelqu’un reste avec Désirée.

Octave ouvrait les lèvres, mais il regarda sa sœur et se tut. Il demeura là, sifflant doucement, levant les yeux sur les arbres de la préfecture, pleins du tapage des pierrots qui se couchaient, examinant les poiriers de M. Rastoil, derrière lesquels descendait le soleil. Serge avait sorti de sa poche un livre qu’il lisait attentivement. Il y eut un silence recueilli, chaud d’une tendresse muette, dans la bonne lumière jaune qui pâlissait peu à peu sur la terrasse. Marthe, couvant du regard ses trois enfants, au milieu de cette paix du soir, tirait de grandes aiguillées régulières.

— Tout le monde est donc en retard aujourd’hui ? reprit-elle au bout d’un instant. Il est près de six heures, et votre père ne rentre pas… Je crois qu’il est allé du côté des Tulettes.

— Ah bien ! dit Octave, ce n’est pas étonnant, alors… Les paysans des Tulettes ne le lâchent plus, quand ils le tiennent… Est-ce pour un achat de vin ?

— Je l’ignore, répondit Marthe ; vous savez qu’il n’aime pas à parler de ses affaires.

Un silence se fit de nouveau. Dans la salle à manger, dont la fenêtre était grande ouverte sur la terrasse, la vieille Rose, depuis un moment, mettait le couvert, avec des bruits irrités de vaisselle et d’argenterie. Elle paraissait de fort méchante humeur, bousculant les meubles, grommelant des paroles entrecoupées. Puis, elle alla se planter à la porte de la rue, allongeant le cou, regardant au loin la place de la Sous-Préfecture. Après quelques minutes d’attente, elle vint sur le perron, criant :