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LES ROUGON-MACQUART.

L’abbé Surin posa son livre sur le coin d’une console.

— Monseigneur est-il satisfait des résultats de son voyage ? demanda-t-il avec la familiarité d’un enfant gâté.

— Je sais ce que je voulais savoir, répondit l’évêque en retrouvant son fin sourire. J’aurais dû vous emmener. Vous auriez appris des choses utiles à connaître, quand on a votre âge, et qu’on est destiné à l’épiscopat par sa naissance et ses relations.

— Je vous écoute, monseigneur, dit le jeune prêtre d’un air suppliant.

Mais le prélat hocha la tête.

— Non, non, ces choses-là ne se disent pas… Soyez l’ami de l’abbé Faujas, il pourra peut-être beaucoup pour vous un jour. J’ai eu des renseignements très-complets.

L’abbé Surin joignit les mains, d’un geste de curiosité si câline, que monseigneur Rousselot continua :

— Il avait eu des difficultés à Besançon… Il était à Paris, très-pauvre, dans un hôtel garni. C’est lui qui est allé s’offrir. Le ministre cherchait justement des prêtres dévoués au gouvernement. J’ai compris que Faujas l’avait d’abord effrayé, avec sa mine noire et sa vieille soutane. C’est à tout hasard qu’il l’a envoyé ici… Le ministre s’est montré très-aimable pour moi.

L’évêque achevait ses phrases par un léger balancement de la main, cherchant les mots, craignant d’en trop dire. Puis, l’affection qu’il portait à son secrétaire l’emporta ; il ajouta vivement :

— Enfin, croyez-moi, soyez utile au curé de Saint-Saturnin ; il va avoir besoin de tout le monde, il me paraît homme à n’oublier ni une injure ni un bienfait. Mais ne vous liez pas avec lui. Il finira mal. Ceci est une impression personnelle.

— Il finira mal ? répéta le jeune abbé avec surprise.

— Oh ! en ce moment, il est en plein triomphe… C’est sa