Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
329
LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

tourne pour le plaisir de tourner, sans rien faire… Allez, j’en souffre la première ; elle est toujours dans mes jambes, à me gêner… Puis, lorsqu’elle tombe sur une chaise, c’est pour longtemps. Elle reste là, à regarder devant elle, d’un air effrayé, comme si elle voyait des choses abominables… Je lui ai dit plus de dix fois, ce soir, qu’elle vous fâcherait en ne montant pas. Elle n’a pas seulement fait mine d’entendre.

Le prêtre prit la rampe, sans répondre. En haut, devant la chambre des Trouche, il allongea le bras, comme pour heurter la porte du poing. Mais les chants avaient cessé ; il comprit, au bruit des chaises, que les convives se retiraient ; il se hâta de rentrer chez lui. Trouche, en effet, descendit presque aussitôt avec deux camarades ramassés sous les tables de quelque café borgne ; il criait dans l’escalier qu’il savait vivre et qu’il allait les reconduire. Olympe se pencha sur la rampe.

— Vous pouvez mettre les verrous, dit-elle à Rose. Il ne rentrera encore que demain matin.

Rose, à laquelle elle n’avait pu cacher l’inconduite de son mari, la plaignait beaucoup. Elle poussa les verrous, grommelant :

— Mariez-vous donc ! Les hommes vous battent ou vont courir la gueuse… Ah bien ! j’aime encore mieux être comme je suis.

Quand elle revint, elle trouva de nouveau sa maîtresse assise, retombée dans une sorte de stupeur douloureuse, les regards sur la lampe. Elle la bouscula, la fit monter se mettre au lit. Marthe était devenue très-peureuse. La nuit, disait-elle, elle voyait de grandes clartés sur les murs de sa chambre, elle entendait des coups violents à son chevet. Rose, maintenant, couchait à côté d’elle, dans un cabinet, d’où elle accourait la rassurer, au moindre gémissement. Cette nuit-là, elle se déshabillait encore, lorsqu’elle l’en-