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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Alors, monsieur Mouret ne rentrera pas dîner ?

— Si, Rose, attendez, répondit Marthe paisiblement.

— C’est que tout brûle. Il n’y a pas de bon sens. Quand monsieur fait de ces tours-là, il devrait bien prévenir… Moi, ça m’est égal, après tout. Le dîner ne sera pas mangeable.

— Tu crois, Rose ? dit derrière elle une voix tranquille. Nous le mangerons tout de même, ton dîner.

C’était Mouret qui rentrait. Rose se tourna, regarda son maître en face, comme sur le point d’éclater ; mais, devant le calme absolu de ce visage où perçait une pointe de goguenarderie bourgeoise, elle ne trouva pas une parole, elle s’en alla. Mouret descendit sur la terrasse, où il piétina, sans s’asseoir. Il se contenta de donner, du bout des doigts, une petite tape sur la joue de Désirée, qui lui sourit. Marthe avait levé les yeux ; puis, après avoir regardé son mari, elle s’était mise à ranger son ouvrage dans sa table.

— Vous n’êtes pas fatigué ? demanda Octave, qui regardait les souliers de son père, blancs de poussière.

— Si, un peu, répondit Mouret, sans parler autrement de la longue course qu’il venait de faire à pied.

Mais il aperçut, au milieu du jardin, une bêche et un râteau que les enfants avaient dû oublier là.

— Pourquoi ne rentre-t-on pas les outils ? s’écria-t-il. Je l’ai dit cent fois. S’il venait à pleuvoir, ils seraient rouillés.

Il ne se fâcha pas davantage. Il descendit dans le jardin, alla lui-même chercher la bêche et le râteau, qu’il revint accrocher soigneusement au fond de la petite serre. En remontant sur la terrasse, il furetait des yeux dans tous les coins des allées pour voir si chaque chose était bien en ordre.

— Tu apprends tes leçons, toi ? demanda-t-il en passant à côté de Serge, qui n’avait pas quitté son livre.

— Non, mon père, répondit l’enfant. C’est un livre que